Qu’allez-vous faire monsieur le futur Président ?
Lettre ouverte d’un citoyen kabyle au futur président de l’Algérie
Monsieur le futur Président,
Vous êtes sur le point de prendre en main les destinés de l’Algérie pour, au moins, les cinq prochaines années ; c’est le moment que j’ai choisi, bien avant votre investiture, pour vous interpeler avant que vous n’engagiez votre mandat, sur la politique que vous comptez mener envers la Kabylie, envers sa population, envers sa langue, sa culture et son identité. Peu importe qui vous êtes. Peu importe comment vous allez accéder à la présidence. Peu importe quel clan, parti ou entité vous représentez. Peu importe de quelle Région vous êtes issu. Ce qui importe, c’est qu’allez-vous faire envers, pour ou contre la Kabylie ?
Feriez-vous comme le duo Ben Bella/Boumediene, un duo de traitres et d’assassins, qui nous ont envoyé une armée de voyous et de mercenaires, qui, au moment du combat contre les forces coloniales, écumaient les bordels et les tripots d’Oujda pour ensuite servir d’outil à instaurer la dictature en Algérie. Ils sont venus par milliers. Ils étaient plus de 11 000 selon certains. Un chiffre qu’ils n’ont jamais mobilisé contre les troupes coloniales. C’était pour eux l’occasion de découvrir les maquis d’Algérie, les montagnes et les villages de Kabylie. Ils nous ont envahis. Ils ont réprimé. Ils ont torturé. Ils ont pillé. Ils ont violé. Ils ont massacré des centaines d’authentiques combattants et militants de l’indépendance de l’Algérie. Allez-vous faire comme eux ?
Ou feriez-vous comme Chadli, qui moins de vingt ans après, nous a envoyé cette même armée, déguisée en policiers et gendarmes, pendant la nuit, comme des voleurs, armés de chiens, envahir les campus universitaires pour terroriser, intimider, pour réprimer une manifestation, une protestation pourtant pacifique, qui revendiquait le droit de parler et d’étudier notre langue dans notre pays, pour lequel nos parents et nos grands parents, contrairement aux leurs, se sont généreusement sacrifiés. Feriez-vous comme Chadli qui, ne se suffisant pas de l’oppression et de la répression, a inventé, en a-t-il les capacités d’ailleurs, la politique de l’embargo interne. Aucun projet de développement pour la Kabylie. Tous les crédits, tous les budgets sont destinés à construire des prisons, des casernes de police, de gendarmes et de militaires. Le reste, géré par la SM puis le DRS, servait à promouvoir la corruption et à entretenir les féodalités locales, clientèles du régime.
Monsieur le futur Président
Allez-vous faire comme Boumediene qui, non content d’avoir instauré officiellement le déni identitaire, a eu recours systématiquement à la manipulation et au mensonge pour culpabiliser et stigmatiser les populations kabyles, coupables de ne pas être suffisamment arabe et donc incapable de s’entendre avec leurs frères irakiens. Allez-vous, comme lui, fomenter des attentats et les attribuer aux militants kabyles ? A parachuter des armes en Kabylie pour insinuer/accuser les kabyles d’être de connivence avec des puissances étrangères ? La connivence avec l’étranger, avec l’ennemi, il s’y connait, c’est sa spécialité. Il l’avait déjà pratiqué bien avant l’indépendance. Allez-vous, comme lui, accabler de reproches ces populations, qui ont tout donné pour la liberté de l’Algérie, contrairement à lui et ses acolytes, faisant monter les autre régions contre elles, semant ainsi, les germes du racisme anti kabyle, dont on voit les ravages aujourd’hui.
Ou comme Zeroual qui, prisonnier du régime politico-militaro-maffieux qui l’a produit, a préféré laisser sacrifier une année scolaire pour des centaines de milliers d’enfants et d’étudiants kabyles, plutôt que d’accéder à une revendication légitime, pacifiquement exprimée. Lui qui a laissé faire les assassins de Matoub. C’est normal, quand on est issu d’un régime adepte de la violence, on a tendance à n’écouter que les plus violents.
Allez-vous continuer le nettoyage ethnique que subi la Kabylie depuis l’arrivée de Bouteflika ? Et qui fait que ce sont des dizaines d’écoles qui ferment à chaque rentrée scolaires dans nos villages, faute d’enfants à scolariser. Depuis l’arrivée de Bouteflika, on quitte la Kabylie en famille, pour fuir la misère, pour fuir l’insécurité, pour fuir l’oppression. Mais même ceux qui quittent, ils ne doivent pas aller trop loin, au risque de propager leurs idées. Celles-ci doivent être étouffées sur place, le barrage routier de Réghaia y veille. Pour neutraliser la Kabylie, avec ses complices, ses parrains et ses larbins comme dirait l’autre, il s’est mis en tête de la dévitaliser, d’y effacer toute trace de vie positive. Pour ce faire, il a entrepris de la vider de sa population. Aussi, il nous a envoyé les gendarmes assassiner nos manifestants, l’armée pour incendier nos champs et occuper nos montagnes, et y commettre quelques bavures ou quelques expéditions punitives, à l’occasion. Il nous a ensuite envoyé les kidnappeurs qui se sont spécialisés dans la chasse aux entrepreneurs, aux investisseurs, aux créateurs de richesses, comme complément d’une politique de désinvestissement et de boycott économique toujours en vigueur. Il nous a fait cadeau des repentis et du reliquat d’organisations terroristes toujours actives, en Kabylie seulement. Il nous a fait don de nous dispenser du passage de son autoroute Est/Ouest, le Centre étant appelé à être vidé, dévitalisé, désactivé. Même la JSK n’a pas échappé à sa vindicte, à son entreprise destructrice. Elle qui, naguère, dominait la compétition nationale, s’est retrouvée à jouer le bat du tableau depuis qu’il est là. Allez-vous, comme lui, nous traiter de nains ? Pauvre Bouteflika, nain dans sa tête comme dans son corps. Il pensait que, comme Abane, Krim, Didouche, Amirouche …, tous les kabyles étaient des géants. C’est normal, ce sont ces kabyles-là dont il avait entendu parler, à défaut de les avoir côtoyés ou même rencontrés. Cela aurait pu arriver, c’était ses contemporains. Mais ce n’est pas arrivé. Ce ne pouvait arriver. Ils n’étaient pas dans le même camp. Ce qui explique peut être, qu’il se contente aujourd’hui de fouiller les poubelles de Kabylie, d’en récupérer et de recycler le contenu.
Mais plus généralement, Allez-vous alimenter ce consensus anti kabyle qui, même s’il n’est pas assumé, n’en est pas moins établi depuis bien plus de 50 ans dans votre régime, et qui empêche les kabyles d’accéder, un jour, à la présidence de l’Algérie. Condamnés qu’ils sont à n’être que des exécutants, des exécuteurs, jamais à diriger. Pourtant c’est bien les kabyles qui ont dirigé la guerre de libération, puis les négociations qui ont mené à l’indépendance. Continuerez-vous à faire peser sur eux cette suspicion qui sert de tremplin à la promotion dans votre régime ? Et qui fait qu’il suffit de pointer un regard accusateur envers la Kabylie, pour obtenir un poste ou lancer une carrière ? Associant dans un champ sémantique perfide, unité nationale et Kabylie, où celle-ci est toujours sommée de prouver son attachement à l’unité de l’Algérie. Allez-vous continuer à soupçonner les kabyles d’être la cinquième colonne d’un hypothétique ennemi extérieur. Pourtant, ce sont bien les arabo-baathistes de Ben Bella qui ont ouvert les portes de l’Algérie aux égyptiens, avant et après l’indépendance. Ce sont bien les islamistes du FIS qui, arborant le drapeau d’un autre état, ont introduit les salafistes d’Arabie Saoudite, d’Iran, du Soudan ou d’Afghanistan, en Algérie. Sauf à considérer dans votre régime, que ce sont-là des frères auxquels on a fait appel pour combattre un ennemi, plutôt intérieur, que seraient les kabyles. C’est encore, et c’est d’actualité, l’arabo-islamo-anti kabyle Bouteflika qui est entrain de livrer la souveraineté, le marché et les milliards de l’Algérie à la France pour s’acheter une protection à défaut d’une reconnaissance légitime et donc méritée. Jusque là, et l’Histoire est là pour le dire, la Kabylie ne s’est jamais alliée à aucun ennemi, intérieur ou extérieur, de l’Algérie. Bien au contraire, ce sont les combattants kabyles qui sont venu défendre Alger face aux troupes d’invasion françaises en 1830. Ce sont leurs enfants qui ont failli mettre fin à la colonisation de l’Algérie en 1871, et leurs descendants ont largement contribué à sa libération en 1954. A ce propos, allez-vous continuer, comme vos prédécesseurs, à minorer le rôle de la Kabylie et son apport à la libération de l’Algérie ? Allez-vous continuer à réprimer, à torturer, à emprisonner nos militants ? Continuerez-vous à exiler nos élites et nos têtes pensantes juste parce qu’elles revendiquent leur identité et leur culture ? Continuerez-vous à interdire les médias publics à nos artistes, à nos chanteurs, à nos comédiens ? À folkloriser/clochardiser notre culture et notre identité ? Allez-vous continuer à favoriser l’émergence et la promotion des crapules, des parasites et des délinquants, pour en faire les représentants de la Kabylie dans votre régime et, le moment venu, au besoin, les utiliserez contre elle ? Allez-vous continuez à encourager et à protéger la pègre locale et en faire le prolongement naturel de votre régime en Kabylie? Allez-vous continuer à couver la prolifération de la prostitution, des bordels et des débits de boissons clandestins en Kabylie ? Allez-vous continuez à bloquer les entrepreneurs kabyles qui réussissent en dehors de votre régime ? Allez-vous continuez à bloquer les financements d’organisations internationales justes parce qu’ils sont destinés à financer des projets de développement en Kabylie, des financements qui, pour rappel, allaient servir de palliatif au boycott dont la Kabylie est victime? Allez-vous laisser votre armée continuer à incendier nos champs et nos oliveraies sous prétexte de lutter contre le terrorisme ? Justement, allez-vous continuez à entretenir l’anarchie, l’insécurité et le terrorisme en Kabylie ? On se demanderait presque à quoi sont occupés ces dizaines de milliers de soldats, de gendarmes et de policiers que l’on maintient en Kabylie ? Est-ce pour intimider la population ? Est-ce en prévision d’une révolte, redoutée, programmée ou à provoquer ? D’ailleurs, Allez-vous continuez à leur garantir l’impunité ?
Monsieur le futur Président
Plus de 50 ans après 62 et si l’indépendance est sensée avoir ramené la paix et la liberté en Algérie, sachez que la Kabylie n’en a pas eu droit. Au contraire, ce sont 50 ans d’oppression et de répression, 50 ans d’aliénation et de déni identitaire, 50 ans de suspicion et de stigmatisation, 50 ans d’accusation et de culpabilisation, 50 ans de marginalisation et de singularisation, qu’elle vient de subir. Aujourd’hui, cette Kabylie souffre, son être saigne, son corps social se délite, ses élites s’exilent. Elle aspire à vivre son identité et sa culture dans la paix et la liberté, dans l’honneur et la dignité. Seriez-vous le Président de l’Algérie qui répondra à cette aspiration ? Vous êtes le futur Président de l’Algérie, mais c’est moi, un citoyen kabyle lambda, qui vous fait une promesse. Je vous promets d’observer, jour après jour, action par action, votre politique envers la Kabylie et je vous promets d’en rendre compte, dans quelques mois, dans un an, suivant l’actualité, ici même, et dans les mêmes formes.
Mustang
